La Filière intelligence artificielle et cancers joue un rôle de pionner et de catalyseur

Auteur : Perrine Debacker

Date de publication sur Hospimedia : 18/07/2024

Lien : https://www.hospimedia.fr/actualite/interviews/20240716-frederic-collet-president-de-la-filiere-intelligence-artificielle

La Filière IA et cancers concrétise un partenariat public-privé inédit pour transformer les données en innovations tangibles pour les patients. Elle franchit aujourd’hui un cap avec l’aboutissement de premiers projets, décrit son président Frédéric Collet. L’association mise sur la preuve par le projet pour accélérer la collecte de données.

Hospimedia : « Pourquoi a été créée la Filière intelligence artificielle et cancers (Fiac) ?

Frédéric Collet : La filière est née en 2021 d’un contrat signé par les ministres de la Santé, de la Recherche et de l’Industrie et par la Fédération des industries de santé. Elle rassemble l’Institut national du cancer (Inca), le Health data hub, l’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé, France biotech et neuf industriels* leaders mondiaux en oncologie. Son objectif est de créer un objet unique de dialogue public privé et de faire la preuve par le projet en faisant appel aux données de cancérologie existant en France. Elle mène à bien des projets pour développer l’attractivité à la fois par les résultats et par la façon dont la Fiac contribue à fertiliser l’écosystème des entreprises de santé La démarche est collective à travers le conseil d’administration, renforcé par un comité des parties prenantes — c’est-à-dire les représentants des patients — et un comité des partenaires.

H. : Trois ans après son lancement, qu’a accompli la Fiac ?

F. C. : Après avoir été un ovni, la filière est en train de passer un cap important avec la sortie des deux premiers projets. Elle en compte treize en tout, portés par les industriels fondateurs mais aussi par d’autres comme Merck. Ces projets ont vocation à être des prototypes. Ils nous permettent de mettre en place la collecte de données, de travailler avec des modèles d’intelligence artificielle (IA) sur ces données et en particulier sur la plateforme de données de cancérologie de l’Inca. Celle-ci contient les données du système national des données de santé (SNDS) qui sont incrémentées par des données spécifiques du cancer d’origine de plus en plus diverses. Les premiers projets arrivent à maturité, comme celui porté par AstraZeneca dont les résultats ont été présentés en juin 2024 à l’American Society of Clinical Oncology (Asco).

Ce sont des sujets techniques dans le domaine du cancer mais nous allons passer du stade de la haute couture au prêt-à-porter.

H. : Dans le détail, sur quoi portent les projets que la filière accompagne ?

F. C. : Globalement, ils sont de trois types. Plusieurs portent sur l’accès précoce, qui est un outil très important pour l’accès des patients à l’innovation mais qui peut être amélioré, notamment dans la qualité de la collecte de données. Les deux autres volets sont le parcours de soins et l’usage de nouveaux outils d’IA pour la collecte et la structuration des données. Le projet d’AstraZeneca concerne le suivi des patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules, qui sont inopérables. Il a permis l’appariement des données d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et du SNDS, avec l’objectif d’être capable, avec l’IA, d’avoir un suivi longitudinal du patient à travers toutes les étapes de sa prise en charge dans le cadre d’un accès précoce.

La filière est un contributeur à l’attractivité : elle crée et anime un écosystème de start-up dans le monde de la santé et de la collecte des data.

Un projet a été mené avec Pfizer sur l’incidence et la prévalence des patients atteints d’un cancer de la prostate. L’IA intervient alors sur le traitement des données. Nous commençons aussi à travailler sur l’évaluation populationnelle des impacts de solutions d’IA en plus des programmes de dépistage du cancer colorectal. Ce sont des sujets techniques dans le domaine du cancer mais nous allons passer du stade de la haute couture au prêt-à-porter. La Fiac joue un rôle de pionnier et de catalyseur, pour aller collecter les données, les sécuriser et mobiliser les acteurs, en mettant à disposition des experts. Nous commençons aujourd’hui à avoir de nouveaux industriels qui, sans être adhérents, décident d’utiliser notre savoir-faire dans ce domaine.

H. : Quel bilan tirez-vous de ces premières années ?

F. C. : Avant, les échanges se faisaient acteur par acteur. La Fiac est aussi une porte d’entrée vers la plateforme de données en cancérologie de l’Inca. Nous avons mis beaucoup de temps à dessiner les contours, y compris juridiques, de la filière et c’est un dialogue permanent avec les acteurs concernés. La filière est un contributeur à l’attractivité : elle crée et anime un écosystème de start-up dans le monde de la santé et de la collecte des data. Ces entreprises bénéficient d’un euro sur deux que dépense la Fiac. Le deuxième point important est qu’elle a, de par sa composition hybride publique-privée, un rôle politique. L’écosystème des données de santé en France est encore assez immature.
Par ses travaux concrets dans ce domaine, la Fiac contribue à le structurer et à aller rencontrer les acteurs essentiels — Direction générale de l’offre de soins, Direction générale de la santé, Haute autorité de santé, Health data hub — pour voir comment accélérer et accroître la sécurité, la qualité, la structuration de l’ensemble de ces données.

L’enjeu des prochains mois est de faire en sorte que la Fiac puisse voler de ses propres ailes, ce qui signifie recruter activement pour passer à l’échelle, communiquer sur ses travaux et organiser des événements.

H. : Quelles sont vos priorités pour l’avenir ?

F. C. : La Fiac a démontré sa capacité à créer un écosystème, à le structurer avec une gouvernance assez originale et à lancer ses projets. Notre premier objectif est de concentrer l’énergie des équipes sur leur achèvement et leur bon déroulement. Il y a des chemins sur lesquels nous rencontrons des difficultés et je suis soucieux que nous apprenions collectivement. La Fiac fait l’objet d’un financement public privé, avec un budget de 17 millions d’euros cofinancé par BPI France et les industriels. L’enjeu des prochains mois est de faire en sorte que la Fiac puisse voler de ses propres ailes, ce qui signifie recruter activement pour passer à l’échelle, communiquer sur ses travaux et organiser des événements comme la journée de la filière et des ateliers. Notre troisième priorité concerne notre contribution sur deux enjeux : l’accès précoce d’abord puisque c’est un sujet extrêmement sensible et que l’expérience de la Fiac peut permettre d’accélérer la collecte de données, et l’oncopédiatrie en raison de la petite taille des cohortes de patients qui sont concernées. Nous commençons à entamer cette réflexion avec les acteurs pédiatriques pour voir comment la filière peut contribuer aux travaux.

H. : Et qu’en est-il de l’implication de la filière au niveau européen ?

F. C. : Nous réfléchissons à ce que pourrait devenir la Fiac quand elle aura bien fait son travail puisqu’il faut d’abord délivrer nos projets. Mais il y a un champ ouvert au niveau européen avec la création du G7 cancer, présidé par l’Inca et qui fédère les différents acteurs de l’oncologie au sein des différents pays. Le modèle de la filière est très singulier et nous nous posons la question d’étendre ce modèle à d’autres champs thérapeutiques, comme les maladies mentales ou cardiovasculaires. La Fiac est un projet enthousiasmant : on a vu beaucoup de projets qui rassemblent des acteurs divers autour d’une même table avec des intentions très louables mais ce qui fait la différence de la Fiac, c’est la preuve par le projet. »


* Amgen, AstraZeneca, Bristol Myers Squibb, Janssen, MSD France, Novartis, Pfizer, Pierre Fabre, Roche diagnostics

– Tous droits réservés 2001/2024 — HOSPIMEDIA